Journal de marche de la 1ère escadrille du groupe 2/33
(1er août 1944)


Un bien triste évènement vient ternir la joie que tous éprouvaient à l'approche de la victoire: le Commandant Saint-Exupéry n'est pas rentré.

Parti à 9h. pour la Savoie, sur le 233, il n'était pas rentré à 13 h. Les appels radio restèrent sans réponse et les radars alertés le cherchèrent en vain. A 14 h.30, il n'y avait plus d'espoir qu'il pût être encore en vol.

Nous perdons en lui, non seulement notre camarade le plus cher, mais celui qui était pour nous tous un grand exemple de foi. S'il était venu partager nos risques malgré son âge, ce n'était pas pour ajouter une vaine gloire à une carrière déjà magnifiquement remplie, mais parce qu'il en sentait, pour lui-même, le besoin.
Saint-Exupéry est de ces hommes qui sont grands devant la vie, parce qu'ils savent se respecter eux-mêmes.

Bien sûr, nous avons tous le grand espoir de le revoir bientôt; le destin ne dispose pas d'un homme armé d'une expérience de 7000 heures de vol et qui a résisté à tant de coups durs. Il peut être posé en Suisse ou camouflé dans le maquis savoyard; si même il est prisonnier, ce n'est plus pour bien longtemps. Mais nous pensons tous à cette joie qu'il n'aura pas de rentrer en France libérée avec nous.

(...)

Pas de mission pour la reconnaissance: la parole est aujourd'hui aux chasseurs qui partent en expédition punitive contre les chasseurs boches. Les Thunderbolts alliés reviendront trés satisfaits de leur mission, annonçant 70 avions boches détruits au sol ou en vol.